lundi, mai 01, 2006
George Sand, un hiver à Majorque...
Certainement le livre le plus vendu à Majorque, « un hiver à Majorque » de George Sand est un récit de voyage peu commun, ou elle met en scène la magie des lieux.
Pour ceux-ci, George Sand sait se montrer bon public : « [on] ne saurait faire dix pas dans cette île enchantée sans s'arrêter à chaque angle du chemin, tantôt devant une citerne arabe ombragée de palmiers, tantôt devant une croix de pierre, délicat ouvrage du XVe siècle, et tantôt à la lisière d'un bois d'olivier ».

Majorquines et Majorquins sont traités avec moins d'indulgence : « Les hommes ne lisent pas, les femmes ne cousent même pas. Le seul indice d'une occupation domestique, c'est l'odeur de l'ail qui trahit le travail culinaire ; et les seules traces d'un amusement intime, ce sont les bouts de cigare semés sur le pavé. Cette absence de vie intellectuelle [...] donne au Majorquin plus de ressemblance avec l'Africain qu'avec l'Européen. »
Reste l'écriture. George Sand y donne le meilleur d'elle-même, ne dédaignant pas le recours au fantastique pour enjoliver ses fréquentes déconvenues, en accentuer le pittoresque.
Paris fit bon accueil aux souvenirs de George Sand ; ce ne fut pas le cas au-delà des Pyrénées où ils suscitèrent de violentes polémiques.
Vous pouvez lire "un hiver à Majorque" en cliquant sur le lien suivant :

http://www.gutenberg.org/catalog/world/readfile?fk_files=163925

Résumé du voyage :
L'arrivée à Palma:
Les cinq voyageurs arrivent à Barcelone, où ils logent à l'hôtel des Quatre-nations. En dehors de Chopin et de Sand, il y a les enfants de George, Maurice âgé de quinze ans, Solange âgée de dix ans et leur domestique Amélie.
Le 7 novembre au soir ils embarquent tous les cinq sur un petit cargo " El Mallorquin " et ils débarquent le lendemain en fin de matinée à Palma. Immédiatement ils sont séduits par le coté pittoresque de l'île ou le soleil brille comme en juin à Paris.
Une première déception les attend. Il n'y a plus une chambre de libre, dans les hôtels de Palma et ils se décident finalement à louer un petit meublé dans une auberge des bas quartiers de Palma.
Malgré des lettres de recommandation que possèdent George, leurs " amis espagnols " ne se précipitent pas pour leur venir en aide et c'est le consul de France à Palma, Pierre Flury qui leur indique la possibilité de louer un appartement non meublé à la Chartreuse abandonnée de Valldemosa située à une quinzaine de kilomètre de la ville.
Chopin et Sand furent enchantés par le site de la Chartreuse. En attendant l'arrivée des meubles, ils louèrent une petite villa au milieu des collines d'où il pouvait voir la mer et la cathédrale de Palma, dans laquelle ils emménage le 15 novembre.
C'est le bonheur ! Chopin écrit à Fontana;
" Je suis à Palma, au milieu des palmiers, des cèdres, des cactus ....du soleil toute la journée. Tout le monde est vêtu comme en été car il fait chaud. La nuit on entend des chants et le son des guitares pendant des heures entières."
Chopin n'ayant toujours pas reçu le piano Pleyel qu'il attendait, il déniche sur place un " instrument " dont la sonorité le contrarie en permanence... Malgré cela il travaille, termine la polonaise en Ut mineur, met la dernière main à son cycle de préludes déjà commencé. Tout va pour le mieux. Chaque jour ils font de longues promenades et leur amour est au beau fixe.

L'installation à la Chartreuse:

A cause d'une grosse bronchite attrapée au cours d'une promenade ventée et pluvieuse, la nouvelle de la maladie de Chopin se répand comme une traînée de poudre dans la moitié de l'île... Ils doivent quitter la villa sur le champ et payer pour la désinfection des murs. Hébergés pendant quatre jours chez le consul, il emménage le 15 décembre à Valldemosa. En arrivant, Chopin décrit son nouveau logement à Fontana. "Entre les rochers et la mer, dans une cellule d'une immense chartreuse abandonnée ".
L'ordre des Chartreux ayant été dissous deux ans auparavant, la chartreuse est inhabitée, et assez insalubre. D'autre part le piano que Pleyel a envoyé à Chopin est resté bloqué au port, car la douane réclame une forte somme d'argent. Ceci fait dire à Chopin :

" Ici la nature est bienfaisante, mais les hommes sont voleurs" .

Ce n'est que début janvier 1839 que le piano est enfin installé dans la cellule de Chopin. Son arrivée permet à Chopin d'épancher sa soif de jouer et le "clavier bien tempéré" de Bach résonne sans doute, haut et fort dans la chartreuse...
Il reprend son travail de compositeur, achève quelques préludes, avance la Ballade en fa majeur... Malgré cette amélioration morale, une douleur dans la poitrine le cloue au lit de temps à autres.
C'est sur les épaules de George que retombent toutes les obligations. Elle donne tous les jours des leçons à ses enfants, s'occupe de Chopin souffrant, fait les courses à Palma, prépare les repas, car Frédéric ne supporte pas la nourriture espagnole... (sans doute à cause des fritures à l'huile d'olive, car jusqu'à ma première visite en Espagne en 1964 c'était presque la seule façon de cuisiner)...

Le quotidien:

Les habitants de l'île sont franchement hostiles envers ses étrangers bien curieux. La nouvelle que Chopin et George ne sont pas mariés, qu'ils ne prient pas à l'église, qu'il passe son temps à jouer du piano et elle, à fumer des cigarettes ou des cigares, tout ceci joue en leur défaveur.
Pour couronner le tout c'est le début de la période des pluies, et les désagréments atteignent leur comble. Chopin qui n'arrive toujours pas à se remettre de sa bronchite, a le moral au plus bas. Ce voyage est un fiasco complet..
Son moral désastreux lui fait prendre des colères terribles et même ses amis n'y échappent pas.. Les seules nouvelles qu'il obtient au compte goutte lui arrivent par l'intermédiaire de Fontana. Malheureusement c'est pour lui apprendre que son banquier Auguste Léo lui réclame de l'argent. Début janvier, Chopin envoie le manuscrit des polonaises op 40 en la majeur et en ut mineur ainsi que les Préludes à Fontana. Un peu à cours d'argent ils vendent le Pleyel à la femme du consul Fleury, et décide de rentrer dès que possible en France.
Le Retour en France:

Le 13 février 1839, après trois heures de carriole sur des chemins défoncés et ravinés par les pluies, ils arrivent à Palma. Dès son arrivée Chopin se remet à cracher le sang, mais ils embarquent à nouveau sur El Majorquin. La traversée pour le retour est beaucoup moins agréable qu'à l'aller. Chopin, Sand et les enfants sont installés dans une cabine sous le pont avec ordre de ne pas en sortir. La cabine est minuscule et l'air vicié. A la place de respirer l'air pur de la mer, ils sentent l'odeur des porcs et entendent leur cris de douleur car les marins les fouettent afin d'éviter que les animaux ne se couchent.. Chopin passe une nuit blanche et se remet à cracher le sang. Arrivé à Barcelone, le capitaine leur interdit de quitter le bord tant que les porcs ne sont pas tous débarqués. C'est George qui se débrouille pour appeler de l'aide, et le capitaine du bateau français "Le Méléagre" vient les chercher et emmène immédiatement Chopin chez le médecin... Quelques jours plus tard ils débarquent à Marseille. George écrit à Mme Marliani: " Un mois de plus et nous mourions en Espagne, Chopin et moi; lui de mélancolie et de dégoût, moi de colère et d'indignation.....ils ont percé d'épingles un être souffrant..."

" Si j'écris sur eux ce sera avec du fiel…".